Qu'elle est verte ma vallée! (extrait du recueil Le jardin de la chance...)
Qu'elle est verte ma vallée !
Après avoir subi tant d’amères alarmes,
Elle s’est reverdie pour te montrer ses charmes.
Entends-tu les voix de tous ces êtres chers,
invisibles aux vivants, qui t’appellent certains jours :
Par leurs beaux discours, tu redeviens enfant,
Émerveillé par les couleurs et beautés alentours.
Les champs emboutonnés d’or, rives de la rivière
Et les vallons enflammés par la chaude lumière,
Pour te plaire, vêtent leurs somptueux atours.
L’écureuil curieux, l’œil toujours aux aguets
De sa tour de guet, dans un bruissement vient conter,
Si les temps sont irascibles ou bien alors paisibles.
Il engloutit un gland de ses pattes agiles.
Comme un bienheureux rêve de lendemains fertiles,
Il t’adresse un « Merci » quasi imperceptible.
Dans cette vallée rieuse, pourtant mystérieuse,
Sur le coteau boisé, il trouve sa nourriture,
De l’eau à volonté pour se désaltérer.
Comme il est un bon bougre et de bonne nature,
Il gambade souvent sur la verdeur des prés
Et croise des animaux dont il est persuadé
Qu’ils sont ses frères, depuis l’éternité.
D’ailleurs les poissons aiment venir le narguer.
Le soir, ensemble, biches et colibris font la sarabande,
Chantent cantilènes et arias. Ah quelle bande.!
Tu peux les écouter rire et s’amuser
Avec les sorcières chevauchant leur balai.
Surtout à la pleine lune ; et c’est féerie,
De les apercevoir, fantômes dans le noir.
Ne les réprimande pas, prends la chance et souris,
Et laisse-toi embarquer dans leurs jeux sulfureux
Où le diable parfois se mêle présomptueux.
Il veut gagner c’est sûr ; et c’est de bonne guerre,
Il envoie la faucheuse jouer ballade meurtrière.
Lorsque je vois alors ma vallée somptueuse,
Je me refuse au geste de folie frauduleuse
Et mon esprit revit les si nombreux instants
Où nous fûmes heureux.
Extrait du recueil, p 99