Prescience
Ce poème a été publié dans la Main millénaire n°8, printemps 2014
Un bouillonnement sans commencement ni fin
Spectre comme arbre battu par les vents,
Parcourt dénudé le chant des sources.
Fragile, sans direction sans force mais perçant,
Elle l’entend qui craque et gémit
Mais ne le comprend pas.
Femme meurtrie aux aubes silencieuses,
Maîtresse de sa mort, elle se promène avec elle
Dans ce mois où les clochettes,
Langoureuses et cruelles,
Éclosent rituellement asters et dahlias ;
Elle attend patiente, la main glacée sur son cou.
Du tertre caressé par l’ultra scène de l’univers,
Trace des premiers âges en ces jours de printemps,
Elle lance ses doigts rouillés vers l’automne,
En grâce
De sauver son amour de cette éternité.
La netteté des images s’est enfuie ; Mais
Les couleurs de leurs pétales givrés,
Mouillés et macérés dans l’éternelle saison,
La supplient
D’imaginer encore la moustache et les yeux
Qui la prient.
Seule une tache noire et ses ombres subsistent
Sur la froidure sans âge.
Les visages indiscrets s’évanouissent
Dans les rues affairées :
Un fil invisible s’enroule sur l’azur.
Quelle importance donner aux choses ?
Des phrases tournoient au réel ;
Malheureuse,
Elle attise un détail, se sent dans une pièce
De théâtre sans titre,
Jouée jour après jour sous la toile clair-obscur.
Désert étrange, vu seulement d’elle
Et partant merveilleux.